mardi 27 mars 2007

Journal d'Estonie 2007

20 mars 2007 

Départ à 10h du matin. 
Vol Scandinavian airlines en direction de Stockholm. 
La harpe voyage dans les soutes dans le nouveau flight case que j’ai fait faire sur mesure en Irlande. 
J’ai toujours peur quand je la vois disparaitre entre les mains du staff de l’aéroport. 

Escale à Stockholm. 

16h05 – Arrivée à Tallinn – il y a une heure de décalage horaire avec la France. 
Nous avons eu beaucoup de mal à faire rentrer le flight case dans la voiture… 
Finalement nous l’abandonnons à l’aéroport et nous reviendrons le chercher. 
Hannes, qui organise le tour pour nous en Estonie, nous emmène là où nous dormirons cette nuit. 
Nous nous arrêtons dans un café car je n’ai pas avalé grand-chose depuis le départ. 
Le café a un charme très désuet. Tout est très bon marché. ; Café et gâteaux ; Le temps s’est arrêté ici derrière les rideaux de tissus lourd et les meubles de bistrot, seule la radio vient nous rappeler l’année 2007 en nous jouant les tubes estoniens du moment. 

La maison où nous logeons est une résidence pour les médecins ou professeurs de passage dans la ville. 
J’accorde longuement la harpe qui a brillamment passé les épreuves du voyage. 

Nous sortons diner ; Hannes nous emmène dans la vieille ville. C’est très beau. 
Beaucoup d’églises et un charme médiéval (remparts, portes cochères, sculptures discrètes sur les maisons…) du moins pour ce qui a été épargné par les bombardements russes. 

C’est d’ailleurs dans un restaurant médiéval que nous irons dîner. L’endroit est incroyable : tentures, candélabres, tapisseries, bougies, sur trois étages nous sommes transportés dans un autre temps. Des serveuses à la vaisselle, du menu à la musique, tout est magique… 
On nous conseille une bière brune qui est servie très chaude avec du miel…étrange… 

Hannes nous raconte l’histoire du pays, ou comment l’Estonie s’est toujours retrouvée coincée entre les querelles et les guerres de ses puissants voisins (Russie, Allemagne, Suédois…) Quasiment « esclave » sur ses propres terres, dernier peuple païen d’Europe à s’être fait christianisé, les estoniens retrouvent aujourd’hui une forme de conscience nationale. 
Une identité qui passe avant tout par la langue et par le chant choral – des chants qui ont accompagné cette résistance identitaire notamment sous l’occupation russe toute fraîche dans les mémoires. 

On sent que la misère n’est pas si loin derrière quand on traverse la banlieue de Tallin. 
Beaucoup de gens ont encore aujourd’hui des revenus très réduits. 

J’aime cette sensation spéciale quand j’arrive dans un pays que je ne connais pas : être perdue, happée par le pays ou la ville, surtout quand l’aéroport est un peu excentré….la sensation que je n’ai encore rien compris – et ne pas être sûre de vouloir comprendre d’ailleurs. 
Etre de passage – attraper des instants de la vie locale –Etre lucide parfois, comprendre le pays mieux que si on y habitait… mais peut être aussi passer à côté… 
Etre étrangère au paysage, à la géographie, au plan de la ville…ne pas comprendre la langue, faire des efforts pour attraper les mots au vol, ou juste se laisser bercer par la musique des mots de façon un peu indifférente…être étrangère. 



Departure – 10 AM
Scandinavian Airlines flight to Stockholm.
The harp is travelling in the baggage hold, in the new made-to-measure flight case I ordered in Ireland.
I’m always afraid when I see it being taken away by the airport’s staff.
Stop over in Stockholm
16H05 arrival in Tallinn – one hour difference with France.
We struggled to fit the flight case in the car…
we end up by leaving it at the airport and will come back to get it later.
Hannes, who organizes our tour in Estonia, takes us to where we will sleep tonight.
We make a stop in a café because I haven’t eaten much since we left France.
The café has a certain old fashioned charm. Everything is very cheap. Coffee and cakes. Time stopped here behind the heavy curtains. The radio, playing the new Estonian hits, reminds us we are in 2007

The house we are staying in is a residence for doctors and teachers just passing in town.
I spend a long time tuning the harp… it successfully overcame the trip.

We go for dinner. Hannes takes us in the Old Town. It’s very beautiful.
Many churches. What was spared the Russian bombings has a medieval charm – ramparts, porte-cochères, discreet sculptures on the houses…
We are actually going to a medieval restaurant.
The place is amazing : wall coverings, candelabra, tapestries, candles… we are carried away in another time. The waitresses, the crockery, the menu, the music… everything is magic.

Hannes tells us about the country’s history, about how Estonia had always been stuck between its powerful neigbours’ ( Russia, germany, Sweden..) quarrels and wars.
Almost enslaved on their own land and the last European pagan people to have been Christianized, Estonians are today regaining a national conscience.
This identity expresses itself in the language and in the choral singing – choirs went with these demands for recognition, especially during the Russian occupation, still present in the memories..

When passing through Tallinn’s suburbs, you can feel that extreme poverty is not a memory yet – many people still have very low incomes.

I like this sensation when I get in a country I don’t know : being lost, caught by the city, especially when the airport is far out of town. I don’t understand anything yet – and I’m not sure I want to.
Being just passing through, catching moments of the local daily life. Being lucid sometimes, understanding the country better than if you were living there… but maybe you get it all wrong.
Being alien to the landscape, to the geography, to the city’s street – not to understand the language, making efforts to catch a word here or there, or just letting yourself go on the lullaby of the words, as if you didn’t care…
being a stranger.

21 mars 2007

Réveil à 5h30 (il est 4h30 en France !).
Nous nous rendons à la télévision estonienne.
Nous passons sur la principale chaine estonienne dans une émission du matin un peu similaire à celles que nous avons en France.
Les bâtiments un peu décrépis (époque soviétique ?) ne laissent pas soupçonner que nous y trouverons des studios avec caméras et équipements modernes.
Nous jouons « le vent m’emporte » en live et la présentatrice m’interviewe ensuite en estonien. Difficile en quelques phrases de tout dire et de tout faire passer en quelques mots car ici la musique celtique, la Bretagne et la harpe restent des sujets un peu mystérieux.

Retour à la maison pour quelques heures de repos avant un déjeuner ave l’attaché culturel français. Il y a un centre culturel à Tallin qui donne des cours de langue et dispose d’un centre de documentation.
Au fil des propos échangés, l’impression qui se dégage de tout cela est qu’il est difficile de faire vitre le lieu. Problème de budget ou d’énergie ?

Route vers Avarete – à environ 100 km. L’état des routes laisse parfois songeur…
Mais c’est la neige et la glace qui font des dégâts sur les revêtements. Il faudrait refaire les routes quasiment chaque année.

Une pluie gelée nous accueille à arrivée à Aravete. C’est une bourgade de campagne. Nous sommes dans un monde rural où le poids des années communistes est encore visible dans les paysages et dans les yeux des gens. Nous jouons au centre culturel.
Il y a un charme désuet. Une odeur indéfinissable flotte partout…peut être parce que les fenêtres – vieillies par les ans – ne peuvent plus s’ouvrir, et parce que les tentures qui décorent le lieu sont hors d’âge et ont vu passer trop de monde…

Nous avons des loges charmantes, autant que peuvent l’être les femmes qui s’agitent autour de nous pour nous apporter du thé.

Une grande mélancolie se dégage de tout cela – pour moi en tout cas – surtout quand un pianiste local invité « en première partie » avant notre concert nous joue un medley de chansons françaises…Entendre résonner « les feuilles mortes » au milieu de cette campagne estonienne isolée dans ce lieu figé dans le passé avait comme un parfum amer.
Aussi triste que la pluie qui frappait les carreaux des fenêtres de notre loge.

Notre concert s’est bien passé. Je jongle entre français et anglais mais je ne jurerais pas que les gens ont compris un traitre mot de ce que je leur ai raconté.
Qu’importe, l’émotion est là et nous avons vendu quasiment un tiers des disques que nous avons emporté pour le voyage !

Nous dormons dans un complexe sportif isolé au milieu de la forêt. On nous dit que le champion de ski estonien a dormi là…s’il l’a fait, nous devrions nous aussi réussir à y dormir ! 



We wake up at 5.30 ( it’s 4.30 in france !)
We are going to the Estonian TV.
We feature in a morning program on the main Estonian channel.. very similar to the one we got in france.
The buildings are a bit derelict ( sovietic ?) and can’t let you guess there are cameras and modern equipments inside.
We perform « le vent m’emporte » and the host interviews me in estonian. It is hard to say everything and to pass things on in a few words for celtic music, britanny and the harp remain mysteries here…
Back home for a few hours’ rest, before meeting the french cultural attaché for lunch. There is a cultural centre in tallin, where you can get language lessons and enjoy the information department. Throughout our conversation, I have the feeling that it is quite difficult to make it a lively place. Is it a problem of budget or a problem of will?

On the road to Avarete, about 100 km away.
We don’t know what to think about the poor condition of the roads…but it is the snow and the ice that make that much damage. They would have to remake the roads almost every year.
An icy rain welcomes us in Aravete, a small country town. We are here in a rural world where you can still feel the weight of the communist years when looking at the landscapes or at the people’s eyes. We are playing in the cultural centre, old fashioned and lovely.
An indefinable smell is hanging in the air… maybe because you can’t open the antique windows and because the wall coverings that decorate the place have seen to many years and people…
Our dressing room is lovely, as lovely as the woman bustling about us and bringing us tea.
All of this is extremely melancholic – to me at least – especially when a local pianist who is playing before us performs a medley of French songs… hearing “ les feuilles mortes” in this lost Estonian country, in this place stuck in the past, leaves a bitter sweet sensation…

It was a good show. I’m mixing French and English but I would not swear people have understood a word of what I said. Whatever, the emotion is there and we sold a third of the cds we have brought for the all trip !

We spend the night in an isolated sports complex in the middle of the forest. We are told the Estonian skiing champion have slept there… if he did we certainly can manage to sleep there too!

22 mars 2007

Lever à 10h après une première vraie nuit de sommeil.
Nous prenons la route vers Narva, à la frontière Russe. Pause déjeuner à Rakvere.
Nous nous arrêtons à Sillamae. C’est une ville qui a été rayée de toutes les cartes pendant très longtemps. Les russes y avaient découvert des gisements d’uranium et la ville a été fermée durant des décennies – réservée à des scientifiques et à leurs recherches.
Aujourd’hui la ville est rouverte.
Les habitants sont encore très imprégnés e culture soviétique…20 ans en arrière.
L’architecture est massive, rigoureuse, stalinienne.

Nous réussissons à pénétrer dans un bâtiment. C’est l’opéra de la ville.
Il est quasiment désert.
Il y flotte le même parfum du passé et les mêmes odeurs figées que dans le théâtre de la veille. Les médaillons peints sur les murs à l’effigie des dirigeants semblent nous suivre du regard comme s’ils désapprouvaient notre venue.

Sur la route, des paysages un peu tristes, des lacs encore gelés de l’hiver, des fermes, de grands bâtiments en ruine, casernes, usines, villas…une maison sur deux est abandonnée. Les autre tiennent souvent debout par une étrange volonté divine.

Je ne suis pas la plus apte pour juger de la politique qu’ont conduit les soviétiques dans ces régions pendant tant d’années, mais l’héritage, tel que je peux le ressentir dans le paysage et dans les yeux des gens, est lourd à porter – et il faudra sans doute une ou deux générations pour remonter les bâtiments détruits et peindre ce pays en bleu – sur les façades et dans les cœurs…

Nous arrivons à Narva, à la frontière russe... .Encore 200 m et nous sommes en Russie.

De la vieille ville subsistent encore la citadelle médiévale et l’hôtel de ville, seuls bâtiments épargnés par les bombardements de la seconde guerre – tout le reste de la ville est moderne – russe – trop grand, trop froid.
Ici vivent plus de Russes que d’Estoniens.
C’est une ambiance en demi-teinte ; mêlée de lenteur, de silence, de courage, de joie tranquille et enfantine.
C’est une association (« pro Narva ») qui a programmé notre venue ici. Ces gens, professeurs ou étudiants, essayent de faire vivre la culture dans la ville mais sont souvent confronté à l’immobilisme local et au manque d’enthousiasme de la population.

Il n’en sera rien pour notre concert car les gens sont venus nombreux. Il n’y a jamais eu tant de monde dans ce lieu…nous avons même du interrompre le concert pour qu’ils rajoutent des sièges en quantité suffisante…étonnant ! Nous avons joué à la lueur des bougies devant une assemblée très attentive – pas de sono (ils n’en ont pas trouvé !) – une expérience nouvelle pour nous de savoir présenter le spectacle entièrement en acoustique.

Repas dans un pub estonien renommé de la ville où nous avons sacrifié à la coutume locale en commençant le dîner par un verre de vodka avalé d’un trait… 



We get up at 10, after a first night of real sleep.
On the road to narva, on the russian border. Breakfast in Rakvere.
We make a stop at Sillamae.
This town wasn’t on any map for ages: the Russian had discovered uranium deposits there and the town was closed for decades, and belonged to scientists and researchers. Today the town is now open again.
The inhabitants are still marked with the soviet culture… 20 years backwards. The architecture is heavy, rigorous, stalinian.

We manage to get in the city opera.
It is almost empty. We find here the same fragrance of the past than in the theatre, yesterday. The medallions painted on the walls represent the leaders and their eyes seem to follow us as if they disapproved our presence in this place…

On the road, sad landscapes, icy lakes, farms, big buildings in ruins, barracks, factories, villas… one house out of two is abandoned. The others are still up, god knows how.
I’m not really qualified to judge the policies lead by the soviets in this area for so many years, but I can see in the landscapes and in the people’s eyes that this heritage is a burden. We will have to wait for a couple of generations to see the buildings being put up and the country repainted in blue – on the facades as well as in the hearts…

We arrive in Narva, on the russian border. 2oo m more and we would be in russia.
From the old town remain only the medieval citadel and the city hall, only buildings spared by the WW2 bombings. Everything else in the city is modern – Russian – too big, cold.
There are more russians than estonians living here.
This is a half-tone atmosphere, slow, silent, made of bravery and of a quiet and childish joy.

A society ( « pro narva ») had planned to make us come here. These people, teachers and students, try to improve their town’s cultural life but are often confronted with the local failure to act and with the lack of enthusiasm of the population. There won’t be any lack of enthusiasm for our concert since a lot of people came. Apparently there had never been that many people in this place – we even had to stop playing for a while so that more seats could be added… amazing ! We performed at candle-light for an attentive audience – no PA system ( they couldn’t find one!). It was a new experience for us to manage to perform the whole show unplugged.

Diner in a famous estonian pub where we adopted the local custom : starting the meal by downing in a glass of vodka

23 mars 2007

départ de Narva – avant le départ nous visitons la forteresse.
Une route de 300 km nous attend en direction de Pärnu, sur la côté ouest, au bord de la mer.
C’est la « capitale d’été » de l’Estonie, une station balnéaire très réputée et cossue. C’était le lieu de villégiature de beaucoup de juifs russes avant la guerre.

Les paysages, au fur et à mesure que nous pénétrons dans les terres, se font plus beaux et plus doux – disparus les immenses bâtiments en ruine, les barres d’immeubles décrépis, les usines à l’abandon. Ils cèdent la place peu à peu à un paysage de campagne qui pourrait rappeler la Beauce – en un peu plus gris.
Heureusement les maisons en bois aux façades colorées et aux cheminées fumantes sont là pour réchauffer le paysage.
On sent une certaine pauvreté, mais surement aussi une sérénité plus grande que sur la côté nord et qu’à la frontière russe, une certaine douceur de vivre aussi…

Déjeuner à Paide au sommet d’un étrange donjon… Quel endroit bizarre pour y installer un restaurant.

Arrivée à Pärnu. Nous jouons ce soir à la Villa Ammende – un hôtel de grand luxe, très cosy et rétro… à recommander à tous les nostalgiques du style art nouveau et art déco…
Ils organisent souvent des concerts réputés.
C’est peut être l’un des plus beaux endroits où il m’ait été offert de jouer. Le concert a lieu dans la salle principale de l’hôtel, le son est très bon. Nous avons ramené de très belles photos de ce moment….

L’hôtel a un charme indéfinissable. Si on devait le rapprocher de quelque chose de connu, ce serait de l’atmosphère si particulière qui peut de dégager d’un roman d’Agatha Christie (dévorés par la lectrice que j’étais à 10 ans), le crime et le détective à moustache en moins…Une ambiance de pension de famille, un personnel sorti tout droit d’un manoir anglais, grands et petits salons, salle de billard, cheminée art déco, grand escalier en bois et balcons tarabiscotés…
Ma chambre est immense et comme un rêve, remplie de fleurs, de fruits et de friandises…
Dîner à l’hôtel et nuit de repos bien méritée.

J’emporte toujours avec moi quelque livres quand je voyage à l’étranger...
Est ce par peur d’avoir le mal du pays que j’emporte toujours un bon vieux classique français ??? Dumas, Flaubert, Balzac m’accompagnent toujours dans ces destinations lointaines…

Ce soir au restaurant, une petite fille blonde courait en tout sens et se faufilait dans tous les recoins de l’hôtel.
Aidée par la fatigue et un verre de vin, je me suis mise à imaginer qu’elle pouvait être une vision de moi enfant, minuscule fantôme du passé apparaissant et disparaissant dans l’embrasure des portes... elle avait un peu ma silhouette. 



Before leaving narva we visited the fortress.
We have to drive for 300km to reach Parnu, on the west coast, on the sea side.
It is the Estonian Riviera, a famous and chic sea resort.
Many Russian jews uses to summer here before the war.

The deeper we get in the country, the more the landscapes get beautiful and pleasant. Goodbye to the huge buildings in ruins, the derelict blocks of flats, the abandoned factories, giving up to a countryside that looks a bit like the French Beauce – only greyer. Hopefully the colorful facades of the wooden houses and their smoking chimney are here to warm up the landscape.
We can sense here a certain poverty, but it is more serene than in the north and on the russian border. Life is certainly more gentle here…

Lunch in Paide, on the top of a strange donjon. What a funny place for restaurant!

Arrival in Parnu. We are performing tonight at the Ammende Villa – a luxurious hotel, chic and retro… to be visited by all the nostalgics of the art déco style…They often organize greay concerts. It is probably one of the most beautiful places I’ve ever been offered to play in. The concerts takes place in the hotel’s main room, the sound is perfect. We brought back very beautiful photos of this moment…
The hotel has undefinable charm. If I had to link it to something famous, it would be to the special atmosphere of Agatha Christie’s novels ( that I read avidly when I was ten), but without any crime or moustached detective… An atmosphere of boarding house, a staff just out of an English mansion, small and great lounges, art deco fire place, a big wooden staircase and fussy balconies…
My bedroom is huge and, like in a dream, full of flowers, fruits and candies… dinner at the hotel and and a good night’s rest.

I always bring a few books when I travel.
Is it for fear of being home sick that I always take a good old French classic? Dumas, Flaubert, Balzac, are always travelling with me…

Tonight at the restaurant, a little blond girl was running everywhere, sneaking everywhere in the hotel. Helped by the fatigue and by a glass of wine, I imagined she could be a vision of me as a child, a tiny ghost from the past, appearing and disappearing in the doorways… she had my figure.

24 mars

Départ pour Tallin après le petit déjeuner.
Je n’ai pas bien dormi et ce long trajet en voiture est une torture…
A Tallin nous vivrons une expérience inoubliable sur laquelle je ne m’étendrai pas trop : nous avons joué dans le plus grand casino de la ville…
Au milieu des machines à sous et des hôtesses fort peu vêtues j’ai du mal à me retrouver…Tout respire le kitsch ici, c’est clinquant, de mauvais goût.
Notre son sur scène sera horrible et cela m’a ramené plusieurs années en arrière quand je jouais dans des bars dans le brouhaha général… formateur comme expérience mais le vivre aujourd’hui à nouveau m’a pesé…

Etre musicien est à mon goût la plus belle des aventures mais certaines expériences ne sont vraiment pas des cadeaux de la vie.
Je me suis sentie blessée par cet endroit et sa vulgarité, et, même si je sais que nous avons su toucher les personnes qui nous écoutaient, jouer dans ce bruit et ces lumières était violent…
Encore plus violent le spectacle des danseuses « nues » qui nous succèdent à une heure plus avancée de la nuit…triste et drôle à la fois ce french cancan estonien… !

Le pays, qui sort du communisme, est tombé par certains côtés dans des excès inverses : l’argent, le clinquant, les apparences, les femmes faciles sont un des aspects de cette culture…
cela devrait disparaitre ou s’atténuer d’ici quelques années…mais en attendant je suis choquée par tous ces casinos dont les enseignes clignotent à chaque coin de rue dans chaque ville que nous avons traversé…

March the 24th

Departure for Tallin after breakfast.
I haven’t slept well and this long drive is a torture…
In tallin we lived an unforgetable experience…
I won’t tell much about it but we played in the city’s biggest casino…
Amongst the slot machines and the half-dressed waitresses, I’m a bit lost… everything is kitsch here, vulgar.
The sound on stage was horrible and it took me a few years back, when I was playing in bars, in the noise… a formative experience but living it again today wasn’t nice…

Being a musician is to me the most beautiful adventure but some experiences are definitely not blessings. I felt hurt by this place and its vulgarity, even if I know we moved the people who were listening, playing in that noise, under these lights, was painful… The performance of the naked dancers, later in the night, was even more violent… this Estonian French cancan was both sad and funny.

The country, just out of communism, fell in a way into opposite excess : money, glitter, looks, easy women are one aspect of this culture…
this should fade away in a few years..meanwhile I’m shocked by all those casinos and by all those lights flickering at every street corners.

25 mars

Après une nuit réparatrice qui me réconcilie avec moi-même et avec le pays nous prenons la route vers Tartu, à 180 km dans les terres. C’est la capitale spirituelle et intellectuelle de l’Estonie, une ville universitaire et engagée dans la construction de l’identité estonienne.

La campagne est très belle. Nous avons traversé des forets sur des distances infinies – des arbres à perte de vue et pas de maisons.

A Tartu l’architecture est riche et colorée, centrée autour de l’université.

Il y a un quartier très étonnant que Hannes tient à nous montrer un peu en retrait du centre. Les maisons y sont encore en bois peint, les rues en terre battue. Là vivent des intellectuels pauvres ( !) et des poètes…
Beaucoup de maisons n’ont pas l’eau courante et l’électricité. C’est très joli, mais plongé 100 ans en arrière. On appelle ce quartier « la soupe » car chaque rue porte le nom d’un légume ( ?)…cela nous a laissé plus que songeurs… !

Nous jouons dans une belle salle de la ville. Nous n’avons jamais été mieux sonorisés…c’est très agréable et le concert se passe bien. 



Je serai très malade pendant les heures qui suivent, sans raison apparente...
Tout le monde se mobilise autour de moi pour trouver des médicaments et mon mal de ventre passera finalement dans la nuit.

Pour l’avant dernier soir en Estonie, Hannes nous a réservé une surprise.
Nous partons en pleine nuit à 30km de Tartu pour une auberge dans laquelle nous passerons la nuit.
Je crois qu’il me serait impossible de retrouver l’endroit toute seule tant nous avons roulé dans des petites routes de campagne en terre battue ;
Au milieu de nulle part nous voilà arrivés dans une auberge entourée de grands lacs.

Là vit un couple qui a rénové plusieurs fermes et les ont transformées en un endroit absolument magique.
Ils ont monté plusieurs expéditions ethnographiques en Sibérie dans leur jeunesse et l’homme se consacre aujourd’hui à la construction et la mise ne valeur de ses terres autour de l’auberge. Il dit construire le paysage en fonction de visions et de la musique des lieux (il en est à son 7ème lac !)

Chaque année il organise un festival de musique incroyable où les musiciens jouent au milieu de l’eau, entourés par des feux et des lumières complémentent irréelles sorties de son imagination…j’aimerai beaucoup y jouer dans le futur.

A notre arrivée je ne suis pas complètement guérie et la maitresse de maison qui est très belle (elle ressemble à une fée) juge nécessaire d’allumer de grands feux dans toutes les pièces pour moi.
Elle nous apporte du thé et une étrange confiture de baies qui est sensée me guérir.

Ma chambre est la plus belle dont on puisse rêver…grand lit et salon, cheminée, livres, vue sur les lacs par une grande baie vitrée.

C’est le genre d’endroit dans lequel j’aimerai vivre quelques mois pour composer. C’est coupé du monde, les pièces sont immenses avec des murs en pierre épais, des poutres de bois, des tapis et des cheminées partout.
A l’extérieur la campagne et les lacs sont d’une sérénité incroyable. Il y a des sculptures partout.

Nous rencontrons le maitre des lieux et l’architecte de cette petite merveille le lendemain au petit déjeuner.
Il nous accueille en jouant de l’harmonium et nous racontera ensuite l’histoire des lieux.
Il s’agit d’anciennes fermes qu’ils ont rénovées et qui ont été construites sur un site viking (ils ont retrouvés des vestiges ainsi que des sépultures -les vikings brulaient leurs morts).
Cela ne m’étonne pas car depuis mon arrivée la veille je sens qu’une grande force règne sur le paysage.

J’hésite presque à donner l’adresse vers ce paradis car c’est tentant de garder pour soi ce genre de lieu mais voici tout de même un lien vers leur site web :

http://www.leigo.ee/

Je quitterai l’endroit à regret mais je me suis jurée d’y retourner très vite. 



After a refreshing night I feel at peace with myself and with the country, and soon we are on the road to tartu, 180 km inland.
This is the cultural and intellectual capital of Estonia, a university town committed in the construction of the etonian identity. The countryside is very beautiful. We crossed immense forests – no houses, only trees everwhere.
In Tartu the architecture is rich and colorful, concentrated round the university.

Hannes wants to show us a very surprising area, just out of the city centre. The houses are still made of painted wood here, there are beaten-earth streets. Poor intellectuals ( !) and poets live here…
Many houses don’t have running water or electricity. It is very pretty, but 100 years backwards… this district is called “the soup” since each street bears the name of a vegetable (?) … we don’t really know what to think about this… !

We played in a a beautiful city hall. The sound had never been that good… it’s very pleasant and it was a good show.

The following hours I was very ill, for no apparent reason…
everybody is bustling around me to find medicines and my stomach-ache will finally passed during the night.

For our last but one night in Estonia Hannes made us a surprise. We leave in the middle of the night for a small inn, 30 from tartu, where we would spend the night. I think I’ll never be able to find the place again for we drove at night on small country roads…
Here we are, in the middle of nowhere, in a small inn surrounded by lakes.

A couple lives here, who renovated several farms and transformed them into this magical place.
They organized several ethnographic expeditions in Siberia when they were young and the man is now devolving himself to the construction and the development of the lands around the inn. He says he builds the landscape according to his visions and to the music of the place – this is the seventh lake he set up !!

Every year he organizes an amazing music festival where musicians perform in the middle of the waters, surrounded by bonfires and surreal lights, just out from his imagination… I would really like to play there one day.
When we arrived i was still a bit ill and our hostess ( who is very beautiful and looks like a fairy) consider necessary to light fires in every room for me. She brings me tea and a strange berry jam that is supposed to cure me.

My bedroom is the most beautiful place one could dream of. A huge bed, a fireplace, books, big windows giving onto the lakes.
This is the kind of place I would like to live in for a few months, to compose. It’s cut off from the world, the rooms are huge, with big stone walls, wooden beams, carpets and fireplaces everywhere. Outside the countryside and the lakes are amazingly quiet. There are sculptures everywhere.
We finally meet our host and the architect of this little wonder the next morning, for breakfast. He welcomes us by playing the harmonium and will then tell us about the history of the place.
They renovated old farms that were built on a Viking site – they found remains and sepultures ( the Vikings used to burn their dead).
It doesn’t surprise because since our arrival I feel there is a great strength in this landscape.

I’m almost reluctant to give the address of this paradise because it is tempting to keep such a place for yourself but here is a link to their website:

http://www.leigo.ee/

l will regret to leave the place but I swear to myself I will go back there soon.

26 mars

Départ pour Tartu pour notre dernier concert qui a lieu le soir même dans un club de la vieille ville. Nous nous baladons en attendant sous un soleil presque estival ;
Le concert se passera bien mais je ressens la fatigue de tous ces derniers jours qui commence à me trahir sur certaines chansons.
Après une très courte nuit ce sera le retour à Paris.

Je garde de l’Estonie des tas d’images et de visages, des rencontres fortes avec les paysages et des maisons presque « vivantes » tant elles m’ont charmé par leur caractère.
J’ai ressenti très fort la confrontation entre l’est et l’occident et les contradictions que ce rapprochement génère au quotidien…Il faudra compter sur l’intelligence et la force identitaire des estoniens pour résoudre les inégalités et porter haut leur culture et leurs chants au milieu de l’uniformisation générale. 





We leave for Tallin, for our last gig – the venue is a club in the Old town.
It was a good show but I’m feeling tired and this fatigue sometimes betrays me on a few songs.
We are back in paris after a very short night.

Of Estonia i will remember faces and images, encounters and landscapes and houses that seemed almost “alive” for they charmed me with their personality.
I felt a strong confrontation between the east and the west and I sensed how this reconciliation can weight on daily life…
I rely on the intelligence and on the strong identity of Estonians to claim their culture and their songs amongst general standardization.