vendredi 25 avril 2008

Tour Australie 2008

27 février 

Départ de Roissy.
Un vol de 12h en direction de Singapour où nous attend un second avion…nous avons eu beaucoup de chance à l’embarquement avec les instruments qui pourtant étaient en surpoids monumental : la compagnie ne nous a rien facturé !

Mer noire, mer caspienne, Afghanistan, Inde… J’aimerai bien un jour pouvoir connaitre ces endroits sans les survoler à 800 km/h et 10 000 m d’altitude…juste prendre le temps pour voyager et ressentir les distances à échelle humaine…un voyage en voiture ?
Il faudra réfléchir à cela et à la manière dont la harpe pourrait m’y accompagner.

3h d’escale à Singapour – 28°

Vol qantas pour Adelaïde…horrible, je n’ai pas fermé l’œil, avion bruyant et hôtesses pas très sympathiques…de quoi donner envie de faire demi -tour.
Ce sera le même calvaire à l’arrivée au moment de la location de la voiture dont nous avons besoin pour toute la tournée. Tout est si protocolaire que cela paralyse les relations entre les gens.

29 février

Enfin, à 10h du matin, nous sommes en route vers notre premier point de chute, un peu de repos en vue avant le premier concert ce soir !

J’ai réalisé que les avions et les aéroports étaient les pires endroits au monde au niveau de la liberté et du respect des individualités.

Sans même parler des contrôles imposés par mesure de sécurité, ni des formalités douanières et autres vérifications (êtes vous un criminel ? amenez vous des fruits ou de la terre sur le sol australien ? avez-vous été dans une ferme au cours des 30 derniers jours ( !) ? avez vous déjà visité un pays d’Afrique ? transportez vous des explosifs ? et la tuberculose, l’avez-vous eu ? Transportez-vous des escargots ou des coquillages ?…autant de questions vitales auxquelles il faut répondre sans broncher si on veut rentrer sur le territoire australien…)
Dans les avions et les aéroports tout est fait pour parquer, diriger, cadrer les êtres dans leurs déplacements ou leurs envies : le repas à bord de l’avion sera pris à telle heure, et qu’importe si vous n’avez pas faim ou si vous dormez comme un loir, vous consommerez tel film, vous regarderez les objets proposés dans le duty free – vous boirez un thé ou une autre boisson chaude à telle heure – attachez vos ceintures, abaissez vos accoudoirs, prenez cet escalator, suivez cette flèche, terminal 2, mangez dans ce restaurant mis sur votre route (le seul du terminal, le même qu’à Chicago ou Paris…) passez devant nos magasins selon un chemin étudié, faites la queue, patientez, prenez un numéro et attendez qu’on vous appelle. Boarding pass svp ? Passeport ? Pourquoi venez-vous en Australie ? Faire de la musique ? Avez vous quelque chose à déclarer ? (alcool ? cigarettes ? morceau de terre accroché à vos chaussures ? fruits ?) …Merci et bienvenue à Adelaïde !
J’ai été choquée de faire partie de cette fourmilière, de cette grande danse où nos moindres décisions et déplacements sont orchestrés…
Moi qui entreprend ces voyages avec en tête l’idée que je peux toucher du doigt ma liberté, j’en ai saisi les limites chaque instant de notre voyage australien.
A l’arrivée, heureusement tout change et nous reprenons petit à petit visage humain et notre droit à décider de notre emploi du temps.

Concert au CAOS café
Un drôle d’endroit et tout un bazar aussi cette série de concerts dans le cadre du festival fringe d’Adelaïde.
Le fringe est un grand rendez vous où des centaines de concerts et de spectacles ont lieu chaque soir pendant trois semaines dans toute la ville.
Je n’en dirai pas beaucoup plus sur les protocoles (décidemment très protocolaire l’Australie…) : s’inscrire, annoncer, vendre les tickets en ligne, collecter les tickets chaque jour, rémunérer des intermédiaires qu’on ignorait, tout ça pour gagner le doit de faire partie de l’évènement…beaucoup de bruit pour rien.

Passons sur cette partie peu romantique de l’organisation pour parler des concerts eux mêmes...
public très chaleureux et sympa dans cet endroit qui ressemble à un grand pub. Le lieu accueille des concerts pour le moins éclectiques pendant la durée du fringe.
Le concert se passe bien. Nous sommes contents mais terrassés par la fatigue.

1er mars

Réveil à 6h39…si seulement je pouvais me lever si tôt en France ! La maison est endormie, il n’y plus qu’à attendre que tout le monde se lève.

A midi nous faisons un tour au central market, le grand marché couvert de la ville, pour annoncer les concerts du week end. Nous avons joué quelques morceaux sur une scène de fortune.
On trouve à central market à peu près tout se qui se mange ou se boit sur cette terre…

Concert Caos cafe le soir
Pas envie d’en dire beaucoup sur cette soirée sinon que l’ingénieur du son avait juré notre perte. Il a été notre ennemi invisible pendant toute la durée du concert.
Nous préférons qu’il ne revienne pas le lendemain !
La jeune chanteuse Siobhan Owen chante deux chansons galloises à la fin de notre concert.

Dimanche 2 mars

Un peu sur les chapeaux de roue : j’enchaine mon workshop à l’alliance française et le concert de l’après midi au caos café.
Une radio de Canberra est venue enregistrer le concert. 





Là où nous résidons, tout est luxuriant. Chaque maison à son propre jardin. La végétation est plus belle et plus verte partout où l’on pose le regard.
Je soupçonne une concurrence entre voisins dans le soin apporté à l’apparence extérieure des maisons…
On peut voir là dedans un amour particulier pour la nature, mais en y réfléchissant un peu, je me suis rendue compte qu’il n’y avait rien d’écologique dans tout ça : aucun tri sélectif dans toute la ville, des voitures qui consomment énormément (2 ou 3 voitures au minimum par maison, gros 4X4 polluants pour la plupart), pas d’énergie solaire alors que l’ensoleillement est maximum, une consommation d’eau complètement déraisonnable et non maitrisée (nous avons vu un homme dont le sport préféré avait l’air d’être l’arrosage continu de la parcelle de pelouse située sur le trottoir devant sa maison…)
J’ai lu que l’Australie connaissait de gros problèmes de sécheresse, que la couche d’ozone y était très dégradée et qu’ils avaient désormais dépassé les Etats Unis en matière de pollution…
les gens semblent dans une totale inconscience de tout cela autour de nous.

Cela ne nous a pas empêché de faire connaissance dans la soirée, après le repas du soir sur la terrasse, avec un charmant opossum qui habite la toiture de la maison.
C’est une bestiole rigolote à mi chemin entre le loir et l’écureuil…

Lundi 3 mars

Le dernier concert au Caos Cafe…
Aventures dans une pharmacie.
Grand barbecue le soir.

Mardi 4 mars

Balade dans le quartier de Norwood.

Escapade à Cleland, le parc naturel près duquel j’étais logée lors de mon premier séjour à Adelaide. Les Waterfalls…la sécheresse se fait sentir : il n’y presque plus d’eau là bas.

Interview sur radio Adelaide.

Diner au Grimaldi avec tout le monde et de vieux amis de l’année dernière.

Cette nuit j’ai fait un rêve étrange : un parc plein d’eucalyptus et de grands arbres secs. Des visages dessinés à la craie sur l’un d’entre eux. Visages ovales avec juste la marque des yeux et un trait pour la bouche. Ces visages sont les âmes de personnes disparues.
Il y avait une femme qui savait les reconnaitre et les retrouver en regardant les visages…

Mercredi 5 mars

La journée passée à courir pour réunir le matériel de son nécessaire pour le concert que nous donnons ce soir à l’alliance française.
Il aura lieu au meeting Hall – derrière le city hall – un temple méthodiste reconverti en salle de concert pour l’occasion.

Concert plutôt intime pour les membres de l’Alliance française suivi d’un dîner très sympa avec la famille du directeur et le président de l’Alliance.

Jeudi 6 mars

Il fait de plus en plus chaud…pour un début d’automne c’est très étonnant nous a-t-dit. Plus de 37°.
Nous rejouons a central market et rendons le matériel de son emprunté la veille.

Concert le soir à Trinity church.
C’est un très bel endroit sur Goodwood.
Le son est parfait. L’église pleine à craquer. Tout le monde a réservé sa place.
Un concert en deux parties – ce que je trouve plus fatiguant.
Cela nous a fait du bien de ressentir l’échange d’énergie fort entre nous et le public ; cela avait un peu manqué au Caos Cafe mais je pense que le lieu y était pour beaucoup. 





En fond sonore avant le spectacle l’ingénieur du son avait choisi Loreena McKennit (dont la musique me poursuit jusqu’en Australie) et Clannad, qui est décidemment un des mes groupes préférés.
Hier soir c’est le groupe de musique traditionnelle québécois « genticorum » qui nous a précédé sur scène.

Nous nous couchons assez tard et il faut dormir quand même car nous partons tôt demain.

Vendredi 7 mars 
Départ à 6h30 

route vers Port Fairy – 600km en 7h…c’est la théorie – une highway qui s’avère souvent limitée à 80km/h et qui traverse de petits bourgs. 

L’aventure pointe son nez. Des paysages de campagne : fermes et champs à perte de vue. Tout est sec- des vaches et des moutons – des forêts et des panneaux qui nous demandent de faire attention aux koalas… 

Nous nous arrêtons vers 9h dans une station au bord de la route – c’est un autre monde – bien loin de la grande vile d’Adelaide : des affiches pour le spectacle de rodéo local, une tête de taureau empaillée au mur, un comptoir hors d’âge, des sucreries et de magazines qui attendent des clients depuis longtemps… 





Après quelques aventures dans un fast food nous sommes à Port Fairy en début d’après midi.

C’est un petit village qui a du être un village de pêcheurs quelques minuscules maisons de pierre datant du XIXème siècle et beaucoup de résidences secondaires très design qui doivent valoir une fortune.
L’hiver le village doit être quasi désert mais pour le festival la moindre parcelle de terrain est occupée par des tentes ou des caravanes ; toutes les chambres d’hôtel sont réservées.
Il y a de grandes plages de sable fin, des rochers noirs, des dunes à n’en plus finir et de grosses vagues toutes blanches qui déferlent.
En une petite heure on peut faire le tour du village, une ou deux rues principales dans lesquelles se trouvent les commerces.

Le village s’est mis à l’heure du festival, tout est ouvert et bourdonne comme une ruche de toutes les couleurs. Des festivaliers de tous les âges…certains trimbalent leur siège pliant pour assister aux concerts.
Nos concerts auront lieu dans l’enceinte du festival - ce soir sur la grande scène et dimanche à l’église St John et au St Pat’s hall.

Ce festival est tellement gigantesque qu’il y a tout un protocole pour s’enregistrer à l’entrée, se garer, laisser, ranger les instruments etc.…j’avoue que nous n’en suivons que les grandes lignes.

Nous dormons dans un bed et breakfast tout près de la mer chez des hôtes charmants. 





Concert stage 5 le soir à 9h20.
Horaires très précis et balance éclair – du jamais vu : 10 minutes pour chaque groupe pour régler le son avant de jouer – une horloge sur scène pour ne pas « déborder »...De quoi devenir fou mais nous nous en sortons sans trop de dégâts. La scène est immense et je pense qu’il y avait un bon millier de personnes pour nous écouter.
J’aurai quand même préféré créer un joli son avant de jouer ; tout va si vite dans ce festival.
Les groupes s’enchainent (‘une centaine de performers au moins et pleins de scènes) c’est dans l’air du temps de ne pas prendre le temps et de consommer la musique…

8 mars
Workshop
j’ai naïvement pensé que ce workshop serait le rdv de quelques harpistes ou musiciens qui souhaiteraient apprendre quelques airs, comme c’est toujours le cas lorsque je donne des stages ou masterclass.
En fait nous nous retrouvons devant une audience d’une centaine de personnes qui attendent de moi je leur raconte la Bretagne et la musique bretonne…1h d’improvisation totale sur ce thème !

Toute l’après midi est libre – balade sur la plage.
Nous jetons une oreille sur le reste de la programmation. Beaucoup de country et de bluegrass – quelques groupes internationaux mais essentiellement des musiciens australiens et américains. 





Nous nous sommes baladés sur les stands des luthiers. J’ai du mal à retenir les musiciens. Peu de harpe – je crois qu’il y avait deux luthiers sur le festival et j’ai retrouvé la carte de l’un d’entre eux dans la boite de ma harpe.

Le soir nous nous asseyons sur la plage devant un ciel plein d’étoiles – ciel noir – sable blanc, et au loin la mer qui gronde – des milliers d’étoiles que nous ne voyons jamais dans notre ciel du nord…

Dimanche 9 mars

2 concerts aujourd’hui

le premier à lieu en début d’après midi dans l’église St John.
Belle église bien fraîche en comparaison de la chaleur accablante qui règne dehors.
C’est très agréable d’avoir le temps de faire une balance !

Nous avons laissé trop peu de Cd à la boutique du festival et ils sont déjà sold out.
Un grand panneau invite tout le monde à en commander.

Dernier concert ce soir au St Pat’s Hall pour le concert « Celtic Colors » en compagnie de quatre autres artistes dont Alesa Lajana, Gibb Todd et Genticorum, les québécois qui nous avaient précédés à Adelaide.
C’est un superbe moment avec le public car nous avons réussi un rappel (« encore » comme on l’appelle ici) – ce qui est parait-il très rare sur le festival – le public étaient debout.

Lundi 10 mars

Départ vers midi pour l’étape suivante : Melbourne.
Nous avons longtemps hésité à emprunter la great ocean road qui serpente entre Port Fairy et Melbourne en longeant la côte : 6 heures de route pour 300km…nous optons plutôt pour la highway. 





les trois jours passés à Melbourne ne seront pas parmi les meilleurs souvenirs de voyage. La ville est moins charmante qu’Adelaide et nous logeons dans un quartier un peu morne.

Le seul souvenir memorable est celui d’une baignade tout habillés sur la plage de St Kilda en plein après midi : il faisait si beau et la mer était si belle que c’était impossible de résister.
St Kilda est une sorte de promenade des anglais avec des palmiers et des attractions pour les touristes.

Concert feutré au Northcote social club – quartier de Northcote – une jolie petite salle chaleureuse et un accueil vraiment sympa du public.

Melbourne aura aussi été l’occasion de quelques émissions de radio sur SBS et ABC, deux radios nationales…

Je suis très surprise par ce que les architectes contemporains osent à Melbourne.
Peut être est ce du à la jeunesse de ce pays. Tous les fantasmes architecturaux sont permis...la pyramide du Louvre a l’air d’une vieille dame bien sage à côté de ce que j’ai pu voir à Melbourne.
Je n’aime pas tout mais c’est rassurant de voir toute cette créativité… 





13 mars

Départ pour Yackandandah – une petite ville dont le nom à la sonorité étrange ne dit pas grand-chose aux gens que nous avons croisés depuis Adelaide.
300km environ au nord est de Melbourne dans les montagnes.
Il fait très très chaud.

Déjeuner dans une petite ville à mi chemin. 1 seule rue principale qui réunit tous les commerces.
Tout le monde doit se connaitre ici.
La sensation d’être au milieu de nulle part.
Qu’est ce qui a motivé les migrants de s’établir ici plutôt qu’ailleurs ?

Yackandandah –
Nous sommes ici dans « les alpes » (en réalité un paysage de collines boisées qui rappelle plutôt le Jura).
Petite ville de far West nichée au cœur des collines : une seule rue principale, des enseignes en bois, un parfum de western.
La ville organise un festival folk chaque année et s’est pour l’occasion parée de centaines de drapeaux arc en ciel et de fanions de toutes les couleurs…très 70’s.

Nous attendons nos hôtes pour nous installer.
Après quelques heures passées à la terrasse de la boulangerie locale à boire du thé et à lutter contre la chaleur oppressante, cette ville m’évoque de plus en plus l’atmosphère qui règne dans le film « the wickerman » - un film au climat très particulier qui se déroule sur une île au large des côtes anglaises. (le Film de 1973, pas la version récente) : boutiques désuètes et étranges, flacons en verre dans la pharmacie, antiquité, boutique de sorcières (pierres, herbes et autres charmes), personnes très accueillantes qui ont toues l’air de se connaitre...

18h
Il est temps d’aller découvrir l’endroit où nous serons logés pendant le festival….une belle surprise :
la maison est située dans les collines en dehors de la ville, en pleine nature.
Grand jardin rempli de fleurs, maison immense, des chevaux dans les prés, une vache dont le veau tout noir vient de naître il y a deux jours…c’est un petit bout de paradis.
Notre hôte Roselyne, est merveilleusement accueillante.
Dîner sous le soleil couchant dans les collines. 





14 mars

1er jour du festival.
Nous jouerons seulement ce soir. Toujours ce même mode de programmation dans lequel les groupes jouent une poignée de minutes.
Concert au Public Hall – programme folk et bluegrass – la guitare est reine – les « songwriters » sont au cœur du festival. Nous sommes très bien accueillis.
Nous sommes un peu passés pour des maniaques avec notre désir de faire un soundcheck de quelques minutes (précieuses) avant de jouer… ici ce n’est pas dans les mœurs ; les musiciens découvrent leur son pendant les premières chansons.
Nous devons être perçus comme des perfectionnistes – ou des fous français – avec nos désirs et recommandations passées à l’ingénieur du son avant de jouer…plus difficile de régler le son de notre trio qu’un show guitare-voix…

La ville a édité un petit journal avec le programme du festival aujourd’hui – il est distribué dans toute la ville...
Quelle surprise de découvrir ma photo en grand sur la couverture – du coup je ne peux plus circuler aussi discrètement dans la rue principale.

15 mars

3 concerts aujourd’hui !

Le premier a lieu dans la plus petite salle de concert au monde (!!!) un endroit appelé « court house » - le tribunal – surement plus en service aujourd’hui – un tribunal en miniature – comme celui d’une maison de poupée. Facile d’imaginer des tas d’histoires très rocambolesques en se projetant dans le passé de ce tribunal de western.
La salle est remplie à ras bord. Nous avons le droit à un rappel !

Second concert à l’heure du déjeuner.
Un concert thématique intitulé « only a woman » et pour lequel je joue en solo avec 5 autres femmes.
J’avoue que je n’ai pas totalement joué le jeu de ce concert qui aurait voulu que je reste sur scène avec tout le monde pendant toute la durée du concert (2h) pour jouer seulement 20 minutes…

troisieme concert au public Hall. le public debout. nous sommes très heureux d'avoir fini cette aventure australienne par ce rendez vous.
Dommage que nous n'ayons plus de diques depuis port Fairy...les gens prennent commande pour l'année prochaine !

16 mars

3h du matin – trajet pour Melbourne
rendre la voiture, prendre un avion,puis un second…Paris 


mardi 22 avril 2008

Aventures birmanes...

Ce journal retrace mon séjour en Birmanie en Avril 2008… 
Je n’ai jamais tant écrit. Chaque jour a été une découverte et un choc. 
Je ne sais pas si tout ce que j’ai ressenti et compris sur ce pays est juste mais j’ai écrit dans ce journal mes sentiments de chaque jour. 
On m’a conseillé de ne pas trop écrire à mon retour sur cette aventure birmane, afin d’éviter des ennuis aux personnes que j’ai côtoyées et avec qui j’ai travaillé sur place… 
Lors de mon séjour j’ai acheté une petite statuette en bronze : un singe qui se voile les yeux avec les mains – dans la tradition bouddhique ils sont trois, l’un se bouche les yeux, l’autre les oreilles, le dernier a un doigt sur la bouche : je ne vois pas, je n’entends pas, je ne dis rien. 
Comme je n’arrive pas à être l’un de ces petits singes, j‘ai choisi de mettre ce journal malgré tout en ligne en enveloppant certains passages d’une légère brume et ai supprimé tous les noms propres… 

Départ le 30 mars

Birmanie.
Myanmar, c’est le nouveau nom de ce pays…
10 jours après mon retour d’Australie et à peine revenue de trois concerts en Bourgogne, j’attrape un vol à Roissy en direction de Singapour…
12 heures de voyage – encore – l’aéroport de Singapour – encore.
Nous décollons avec un grand retard à Paris, si bien que je vais manquer mon vol pour Rangoon.
On m’a donné une chambre d’hôtel dans l’aéroport - ai dormi quelques heures ; grave erreur car après cela je ne suis plus moi-même et n’arrive pas à émerger du sommeil – ai erré dans l’aéroport comme un pantin.

Vol pour Yangon à 14h20.
Vu du ciel les côtes de Singapour sont effrayantes : elles grouillent de navires énormes, pétroliers et cargos…comme de gros monstres marins qui dorment en attendant d’aller vomir leurs marchandises dans d’autres ports…
Je suis surprise par les gens qui attendent avec moi dans le hall d’embarquement pour Yangon. On a toujours des clichés plein la tête avant de partir…
Les filles sont habillées à l’occidentale, parfois même très apprêtées et sexy, les hommes portent pantalons et chemises – il y a aussi un seul moine en robe pourpre – 2 occidentaux.
Je me serais attendue à des habits différents – c’est bête – mais peut être les birmans qui voyagent ne sont pas la majorité des habitants et les gens que je rencontrerai sur place ne ressembleront pas à mes compagnons de voyage.
C’est étrange comme la lecture des guides touristiques ou des sites internet sur un pays est toujours loin de me donner la bonne, la juste image de ce que je vais découvrir sur place – les vraies impressions.

Vers 16h le 31 mars
 


Arrivée à l’aéroport de Yangon.
Depuis le ciel, l’arrivée à Yangon ressemble à un damier de petits prés verts, alternant avec des champs labourés de terre grise, le tout ponctué de pagodes qui émergent ça et là comme de jolis petits boutons dorés.

À l’aéroport je n’ai jamais autant attendu mes bagages…un peu d’angoisse pour la harpe qui arrive finalement escortée par une myriade d’employés de l’aéroport – je cours presque derrière eux alors qu’ils se dirigent vers la sortie.
Ouverture cérémonieuse du flight case devant une poignée d’employés de la douane. Cohue jusqu’à la voiture qui m’attend.
De l’aéroport à l’hôtel la circulation est fluide bien qu’un peu anarchique – on conduit à droite avec la volant…à droite.
Des gens entassés dans des bus – des vendeurs de jasmin qui frappent aux vitres – des « cabanes » qui poussent aléatoirement sur les trottoirs devant des immeubles décrépis…le tout dans une joyeuse pagaille de bruit de moteurs, de cris et de couleurs vives….

Mon hôtel est situé non loin de la pagode Shwedagon – parait-il la plus grande et la plus belle de toute l’Asie.
Le temps de choisir une chambre – reprendre mes esprits et accorder la harpe, qui comme d’habitude à souffert du voyage.
La chambre est climatisée mais l’air extérieur est brûlant et saturé d’humidité – l’escalier de l’hôtel est un véritable sauna.

Je dine dans un restaurant à 200 m de l’hôtel – marcher sur le trottoir ici est déjà une aventure : ils sont très délabrés et irréguliers et il faut regarder devant soi pour ne pas tomber dans un trou car par endroits les plaques de béton sont cassées et laissent apparaitre des trous parfois profond !

Au restaurant, comme à l’hôtel d’ailleurs, il y a quelque chose qui me dérange : la profusion de personnes qui veulent vous servir…c’est tellement différent de Paris où il faut parfois s’énerver pour réussir à commander un café ! Ici une panoplie de serveurs garde un œil sur vous et je peux difficilement faire le moindre geste qu’on s’inquiète pour moi, qu’on m’aide, qu’on ajuste les couverts.
Je ne sais pas trop quelle attitude adopter, je dois encore mesurer mes sourires, mes remerciements et tempérer mon agacement pour trouver un juste équilibre.

Il fait déjà nuit à 19h ici.
Je rentre à l’hôtel mais je me dis que je ferais mieux de ne pas me coucher malgré la fatigue et surtout de commencer à explorer la ville seule – mon guide a dit que les rues étaient très sûres même pour une personne seule la nuit…espérant qu’il dit vrai, je me mets en route…

Je décide d’aller voir la pagode Shwedagon dont je vois les stupas dorés depuis ma chambre. J’ai lu que la visite commençait généralement par l’entrée sud et il me faut marcher environ 2 km pour l’atteindre.

Sur mon chemin j’ai respiré tant d’odeurs de gazole que j’étais sûre d’être toute noire de crasse en rentrant à l’hôtel – les voitures sont très polluantes et l’odeur est insupportable.
J’ai croisé sur mon chemin des moines, des couples d’amoureux, des groupes de jeunes, des hommes en uniforme qui gardaient je ne sais quoi, un petit enfant tout seul, une femme par terre allaitant son enfant, un homme aux deux jambes amputées et des chiens (errants ?) qui se débrouillaient bien mieux que moi pour traverser les routes au milieu de la circulation (pas de passages cloutés ici ! – de vrais défis pour traverser la route)
Arrivée à l’entrée sud de la pagode.

Celle ci est entourée d’un grand parc verdoyant à la végétation luxuriante.
Enorme entrée dorée – colonnades immenses – 2 lions-chiens (des griffons ?) de plusieurs dizaines de mètres de hauteur qui gardent l’entrée… le ton est donné : de l’or et de la démesure.

Il faut ôter ses chaussures dès l’entrée – en tant qu’étrangère, j’ai le droit au traitement spécial, à savoir celui de payer à chaque étape de ma progression : payer pour déposer mes chaussures, payer l’entrée, faire des offrandes…
Il y a un grand escalator qui permet d’accéder à la pagode elle-même.

En haut c’est complètement fascinant.
L’impression première que j’ai eue est celle d’une immense fête foraine – mais c’est loin d’être le cas et c’est très difficile à décrire.
Au centre, un gigantesque stupa doré et orné au sommet de pierres précieuses – tout autour, et selon une disposition qui m’échappe, des temples de toute taille et forme à perte de vue.

L’or est omniprésent - éclats de miroirs – bois sombres et précieux – blanc éclatant des murs –

Des centaines - des milliers - des bouddhas de toutes les tailles et dans toutes les positions, des divinités adorées par les fidèles – des milliers de bougies allumées – de l’encens jusqu’à suffoquer – des fleurs de jasmin au cou des statues.
Certaines statues sont lavées avec adoration, devant d’autres on se contente de prier. Certains bouddhas sont habillés de grands tissus dorés, d’autres sont des sculptures monumentales…couchés j’en ai vu un d’au moins 8 mètre de long.
Plusieurs bouddha ont des auréoles « dernier cri » composées de guirlandes de LED multicolores qui clignotent à l’infini…





On prie, on se ballade dans le sens des aiguilles d’une montre autour du stupa – beaucoup de moines mais aussi des centaines de fidèles, des enfants qui courent. Les gens sont là en famille.
Je suis la seule occidentale au milieu de cette foule.

Plusieurs moines sont venus m’aborder mais leur anglais est si limité que la conversation ne va pas très loin.

Cet endroit est complément démesuré et improbable pour un européen. Il n’y a pas de mot avec lequel t’arriverai à décrire l’exacte sensation que la découverte de cette gigantesque pagode m’a donnée ; un palais pour les dieux, une dévotion intense…
Même si l’on n’aime pas l’or et les décors chargés, le lieu vous coupe le souffle par sa démesure ; cela touche au sublime.

Je respecte infiniment les croyances des fidèles qui viennent en foule prier bouddhas ou les autres dieux du panthéon bouddhique même si je ne partage pas leur foi – toutefois – je ne peux pas m’empêcher de penser que l’énergie et l’argent accordée a ce temple et aux dieux, devrait être au XXIeme siècle un peu redistribuée au monde des hommes : refaire les trottoirs, donner des jambes à l’homme que j ‘ai croisé tout à l’heure, des chaussures au petit garçon seul qui attendait je ne sais quoi sur la route…
Les dieux vivent dans un luxe absolu – les hommes dans une relative misère – tout semble normal et dans l’ordre des choses.

Au restaurant tout à l’heure j’ai commandé un Coca Cola. Quel est le pays au monde dans lequel la marque n’a pas pénétré ?
Dans tous les voyages que j’ai fait depuis deux années, je me questionne sur l’effet qu’il peut y avoir à retrouver les mêmes marques et enseignes d’un bout a l’autre de la planète…Coca Cola birman, thé Lipton polonais, Mc Donald estonien…
Cela a un double effet : rassurant d’un côté, effrayant de l’autre…au fond, voilà ce qu’on peut facilement se dire : tant qu’il y a du Coca Cola, tout va bien…
Le mot « Coca Cola » inscrit sur la bouteille (en thailandais?) a des allures ésotériques.
Est-ce que bouddha aime lui aussi le Coca Cola ?

plus tard, après avoir relu ce journal, j'ai fait ce rêve étrange :
Je devais laver une statue blanche de Bouddha avec une canette de Coca Cola...
Malheureusement la boisson faisait fletrir et tomber les petits boutons de fleur de jasmin suspendus au cou de la statue et il fallait verser le liquide avec precaution...
Je n'ai toujours pas tout compris de ce rêve... 





Je suis rentée assez tôt à l’hôtel. Il est 21h mais j’ai l’impression qu’il est 1h du matin.
J’ai vu le film le plus stupide qu’il ait été donné de voir à la télévision : des fourmis méchantes embarquées par erreur à bord d’un avion terrorisent et attaquent les passagers...Elles sont si vilaines qu’elles arrivent même à provoquer des pannes dans les réacteurs ; Comme les américains ont très peur de ces fourmis, l’avion n’a plus le droit d’atterrir dans aucun aéroport du pays. Je me suis endormie avant la fin en me demandant quelle image les birmans pouvait avoir de nous après avoir vu ce film…

1er avril 2008

Petit déjeuner à l’hôtel. Je n’ai rien compris à ce qu’on m’a proposé. Je me suis retrouvée avec deux minuscules toasts…

RDV alliance française pour bosser un peu la harpe et les musiques de ***. Celui-ci est papa depuis hier et ne viendra que dans l’après midi.
J’ai du mal à mémoriser les phrases de harpe qui sont si loin de tout ce que je connais et il fait si chaud que toutes les notes finissent par se mélanger dans ma tête.
Déjeuner au chat pitre, la cafeteria de l’alliance.

Impossible d’atteindre mes emails ni de consulter le moindre site dont j’ai besoin – la censure est partout et l’internet doit être un problème diablement embêtant pour la junte militaire.

16h. conférence de presse au ***, un restaurant assez chic du centre ville.
Une vingtaine de journalistes – ce n’est pas si mal quand on sait que leur article a toutes les chances de ne pas passer l’étape du comité de censure obligatoire : toutes les actions de l’alliance française sont censurées par ce comité aux mains de la junte depuis les événements récents dans le pays.
Espérons que le fait de mettre en valeur la musique traditionnelle birmane au travers de la harpe nous aidera à passer a travers les mailles du filet.

J’ai rencontré *** mais nous commencerons à répéter demain.

Les journalistes posent des questions parfois étranges ; mais on me dit que c’est certainement la première harpe celtique qui vient jouer dans le pays !

Les femmes journalistes n’ont posé aucune question – parler en public est peut être plus facile pour les hommes ? Ou plus correct ? Les femmes viennent me voir après la conférence pour me poser leurs questions en privé.

La traductrice birmane traduit les questions et mes réponses.
On dirait que le birman prend beaucoup de temps pour exprimer une idée simple en français.
On m’a expliqué après que leurs phrases contiennent beaucoup de tournures protocolaires et de formules de politesse. Cela m’a fait sourire en pensant au langage des Hents dans le célèbre livre de JRR Tolkien : 10 secondes pour moi en français, une minute en birman !

2 Avril 2008

Petit déjeuner à l’hôtel – j’ai compté une douzaine de personnes pour s’occuper de 8 clients.
C’est si protocolaire – l’un des serveurs a pour mission de me donner une petite cuillère supplémentaire.
J’ai maintenant 2 couteaux, 2 fourchettes, et 2 cuillères…

J’ai demandé 4 toasts au lieu des 2 « légaux » car je n’ai toujours pas saisi le reste du menu. Cela a du causer un branle bas de combat car tout le monde s’agite. ; J’ai attendu si longtemps d’être servies que j’espère que ma demande n’a pas créé d’ennuis aux serveurs.

Un chauffeur m’amène à l’Alliance française ; partout des gens qui m’ouvrent les portes – j’y suis presque habitué mais pour être franche j’ai hâte que cela cesse et d’être a nouveau obligée d’ouvrir les portes moi-même.

Je répète seule à l’Alliance toute la matinée.
Je bois des litres de thé vert brûlant malgré la chaleur. Il pleut à un moment…la pluie doit être à 30°.
J’ai enfin compris les morceaux de ***. Cette musique demande un gros effort de mémorisation. Elle tourne sur quelques notes et rarement plus de 2 ou 3 accords mais les systèmes et les phrases se répètent rarement plus de 2 fois !
Les morceaux que nous jouerons ensemble ont été composés il y a une cinquantaine d’années.

Répétition avec ***.
La harpe birmane ressemble à un joli petit bateau doré. Il y a 16 cordes – toutes sont accordables et on peut ainsi jouer dans différentes clés.
On joue en posant la harpe sur ces genoux. C’est très gracieux.

Aujourd’hui j’en ai appris plus sur la musique en Birmanie.
Il est très difficile de vivre grâce à la musique dans le pays – à part pour quelques chanteurs de Hip Hop ou DJs connus.
Peu de groupes viennent de l’extérieur et très peu de musiciens birmans ont l’occasion de se produire à l’étranger. (visas et passeports infernaux à obtenir)
Le groupe le plus connu ici est un groupe qui reprend des tubes de rock internationaux.
Les gens n’écoutent pas tellement de musique traditionnelle, sauf pour des cérémonies privées rendues aux Nats – les esprits.

Ici le droit d’auteur relève de la science fiction : on peut ainsi trouver des DVD sur lesquels figurent plusieurs dizaines de films ou des milliers de chansons piratées.
Un musicien peut espérer gagner au mieux 20 dollars pour un concert – souvent beaucoup moins, voir rien car la plupart jouent gratuitement (« c’est un honneur pour eux d’accompagner le chanteur »)
Nombreux sont ceux qui doivent avoir un travail a côté. *** est professeur a l’****.

Salaire moyen dans le pays : entre 30 et 50 dollars US par mois – souvent moins.
Bien sûr les fonctionnaires du gouvernement et les membres de la junte gagnent bien plus – des fortunes pour certains.
Une voiture d’occasion (souvent hors d’âge !) coute 10 à 15 000 dollars.

Ici pas de balances avant les concerts…le matériel est bon mais les birmans se moquent un peu de la qualité des réglages : l’important est la puissance. Si bien que personne ne sait régler le moindre appareil (j’ai vraiment hâte d’être au concert de dimanche !)
Dans la soirée ai rencontré un organisateur de concerts (il organise une grande rencontre de dj cette semaine).
Il nous dit qu’il y a un seul ingénieur du son diplômé dans le pays. ; Celui-ci a travaillé il y a longtemps aux Etats Unis – il a désormais 63 ans et est chauffeur de taxi…

Voilà la réalité de la musique dans le pays. 





Je suis allée dans un centre commercial près de l’alliance.
Tout le monde est contrôlé et fouillé à l’entrée (en France ce serait plutôt à la sortie !).Les autorités ont peur des bombes et des attentats : il y a 2 ou 3 ans, 3 explosions ont eu lieu à 3 endroits de la ville simultanément….
D’ailleurs le dessous de notre voiture est systématiquement contrôlé pour vérifier l’absence de bombe lorsque nous entrons à l’Alliance.

Dans quelques jours ce sera la fête de l’eau – sorte de nouvel an qui ressemble à un grand carnaval : pendant trois jours tout le monde devient fou – on se lance de l’eau, on se déguise, on boit trop, on oublie les interdits, des centaines de scènes en bois sont montées dans les villes et les gens payent pour parader dessus tout le jour en arrosant les passants, et dansent sur la musique des DJs…

le gouvernement approuve cette fête.
Je pense que ces trois jours sont comme une soupape que l’on ouvre pour faire sortir les tensions et les frustrations accumulées dans l’année précédente – une sorte de « fête des fous », avant de retrouver le quotidien.
Chaque année, plusieurs morts : hydrocutions, comas éthyliques, accidents, scènes qui s’écroulent. ; Je ne serais plus là pour la fête mais je n’en suis pas si fâchée…

Un lézard joue ce soir dans la chambre en faisant des gloussements étranges…

3 avril 2008

Mal dormi et du mal à décoller
. 9h30 je suis à l’alliance pour travailler.
J’ai fini de comprendre et mémorisé les deux pièces

. A 13h, *** me rejoint et nous travaillons ensemble sur mes morceaux.
Il a choisi « la valse des ondines » et « she moved through the fair » - la harpe birmane ne peut pas tellement jouer en accords si bien que le travail consiste à apprendre les mélodies puis improviser des motifs…

Il fait une chaleur épouvantable. Hier j’ai appris que nous irions peut être jouer en Alaska pendant la saison 2009…j’ai hâte d’y être !

J’en apprends plus sur le pays en discutant avec des expatriés qui étudient la Birmanie.
Plusieurs ethnies, dont certaines révoltées contre le pouvoir en place qui sont durement réprimées.
Si personne ne bouge c’est que les gens ont peur d’être dénoncés.
La junte à des espions partout même dans le petit bout d’opposition qui subsiste – en toile de fond la prison, et peut être la mort car les prisons birmanes sont un enfer.

A S S K – appelée « la dame », n’est plus qu’une icône et n’agit plus tellement – assignée à résidence elle n’a plus aucune marge de manœuvre. Son quartier est éclairé jour et nuit pour guetter le moindre mouvement.

80% du pays est bouddhiste – 20% de musulmans (certains parqués par la junte à la frontière du Bangladesh), quelques juifs et chrétiens.
La junte s’appuie en réalité beaucoup sur les moines, qu’elle n’hésite pas à corrompre pour qu’ils affichent leur soutien. Ce n’est pas ce que les images de la télévision m’avaient donné à voir.
La plupart des offrandes faites aux pagodes retourne dans les poches du gouvernement.

Les birmans sont profondément croyants et c’est en grande partie ce qui fait que rien ne bouge dans le pays et que ce gouvernement est en place depuis si longtemps – du moins c’est mon sentiment.
Chaque birman doit être moine une fois au cours de sa vie (quelques semaines, quelques mois ou toute la vie)
Le peuple accepte un sort misérable en espérant en une réincarnation meilleure dans une prochaine vie.
Ils sont dans l’acceptation la plus totale de leur sort.
Nombreux sont ceux qui vous diront que ce gouvernement a été « envoyé » en punition de leurs mauvaises actions dans des vies précédentes – tandis que les membres de la junte sont eux récompensés pour des actions bonnes dans des vies antérieures.
Difficile dans ces conditions de faire valoir le moindre argument contraire dans une discussion sensée…

La Chine toute proche, a des vues économiques sur le pays et possède même un port en haute mer sur la côté birmane.
Aussi est elle plus ou moins sympathisante du gouvernement tant qu’elle peut développer son commerce.

J’ai marché environ 5 km ce soir dans les rues depuis l’hôtel – je me retrouve dans un quartier très résidentiel avec des villas luxueuses immenses. La plupart sont entourées de grilles – voire de barbelés avec la mention « diplomatic residence »
Je trouve un restaurant qui sert de la nourriture européenne et birmane…pas d’étranger à l’intérieur mais il ne règne pas du tout la même atmosphère que dans les petits restaurants que j’ai pris l’habitude de fréquenter.
Je crois que ce resto est très cher – environ 4500 kt pour un plat – souvent plus (pizza a 11500 kt) c’est inabordable pour beaucoup de gens.

Je rentre en taxi et c’est toute une aventure. Devant le restaurant une personne est payée ( ?) pour héler les taxis.
Le premier taxi qu’il arrête pour moi ignore totalement où se trouve mon hôtel.
Il négocie toutefois longuement pour m’embarquer tout de même…je monte dans un second taxi !

Quelques extraits du journal birman à la télé, des phrases qu’on retrouve chaque jour dans tous les supports papier et vidéo du pays – cela vous donnera le ton : 



Sur MRTV3, une chanson qui sonne comme de la propagande et vante le paysage ancestral de la Birmanie, ses pagodes d’or, la sincérité de ses habitants…la chanson est sous-titrée en anglais :
« Myanmar sentiment sent an example to the world »
“traditional pigmentation is preserved” 





4 avril 2008

Hier je n’ai pas petit déjeuné à l’hôtel…cela a préoccupé tout le personnel car, aussi bien à l’accueil qu’au restaurant de l’hôtel, tout le monde s’inquiète de cela.
On me questionne, on me demande si les petits déjeuner me conviennent – les serveurs redoublent d’attention (je n’ose plus respirer) – c’est très gênant comme ce qui était insignifiant pour moi revêt une grande importance pour eux.

*** est aussi professeur de musique à l’université des arts et de la culture et d’après ce que j’ai compris il se penche aussi sur l’archéologie de cette musique traditionnelle.
Il est en tant que professeur employé par l’état.
Souvent on lui a demandé de venir jouer à l’étranger (Etats unis, Australie…) son gouvernement a toujours refusé, sauf une fois en...Corée.
Il faudra que je parle de sa musique aux festivals en Europe pour essayer de l’inviter.

Aujourd’hui règne une ambiance un peu particulière à l’alliance française car ce sont les répétitions de la finale du grand concours de chansons francophones organisé chaque année.
10 chansons françaises au choix – 150 participants entre 12 et 25 ans – pour la finale ils ne sont désormais plus que 20 venus de toute la région de Rangoun et de Mandalay.
Premier prix : un voyage en France !
L’année dernière la gagnante a mis si longtemps à obtenir sont passeport et son visa que le voyage a été annulé.

Des musiciens accompagnent les apprentis chanteurs dans leurs ultimes répétitions sur scène.
Je suis surprise du niveau du groupe qui reprend à la perfection les arrangements et qui assure vraiment bien avec les chanteurs. ; Les pauvres sont restés de 9h du matin à 5h du soir à faire répéter en boucle les mêmes chansons….et ils remettront ça demain. Je n’ose même pas demander combien ils sont payés pour ce travail !
Entendre les « tubes » français sélectionnés chantés avec l’accent birman était très rafraichissant.
Joe le taxi (devenu « joe le tassi » pour l’occasion), j’ai demandé à la lune (la « loune »)

Tout cela se fait en dehors de la question du droit d’auteur évidemment.
Quand j’apprends qu’un CD se vend 1500 kt (1dollar), un Cd piraté autour de 200 kt (15 cents, je comprends mieux que cette notion soit surréaliste ici.

Soirée a l’hôtel.
Je teste un nouveau restaurant plus loin dans le quartier…sushis pas terrible…
Mais surprise, un peu plus loin dans la rue, je découvre une boulangerie française, sorte d’ilot de pâtisseries et de crème dans cet enfer de piments ! Millefeuilles, Paris Brest, éclairs…pour avoir testé c’était plutôt fidèle au goût des originaux made in France…

Dans les rues il y a parfois des montées de musique qui s’échappent de hauts parleurs. Cela provient de camions, desquels dépasse une foule d’ombrelles dorées – d’après ce que j’ai compris, il s’agit d’enfants qui partent pour quelques semaines ou mois au monastère. Ils doivent pour l’occasion se raser la tête.
Beaucoup ne veulent pas partir maintenant car ils manqueront la fête de l’eau !

5 avril 2008

Ai dormi jusqu’à midi…j’ai honte !
Le but de ma journée avant d’aller accomplir ma mission de juré du concours de la chanson (quelle tache ardue !) est de faire le tour des marchés du centre ville. On m’a conseillé le Scott market et le marché indien qui est juste derrière.

Le Scott market est un énorme marché couvert avec des allées aussi a l’extérieur où se mélangent les articles manufacturés (souvent des contrefaçons – sacs – chaussures – vêtements), les petits stands de nourriture (j’ai senti de loin l’odeur du durian, ce fruit que l’on sent parfois dans les rues du quartier chinois a Paris et que je déteste) et les boutiques pour touristes qui présentent l’artisanat local et les bijoux pour lesquels la Birmanie est si connue : perles, pierres précieuses, or, jade…
Comme les bijoux ne m’intéressent pas le moins du monde (et comme le fruit de leur vente va directement dans les poches du gouvernement), je n’ai plus qu’à flâner au hasard des boutiques d’artisanat :
Objets en laque, nacres, marionnettes, bronzes, panneaux de bois et bas reliefs, petites statues…
Les laques sont délicates et charmantes – réalisées sur support d’osier ou de bambou. Je constitue le service à thé le plus hétéroclite de la planète : théière, plateau, tasses et bols en tout genre et de toute les tailles – le tout dans des tons vert.
Ils ont du croire que j’étais folle mais je trouve l’ensemble plutôt réussi.
Ai complété l’assortiment par des cuillères de nacre.

Au détour d’une allée, je suis attirée par une marionnette très différente des autres : c’est un cheval blanc avec une corne et deux grandes ailes blanches.
Elle est très belle. Que peut bien faire une licorne sous ces latitudes ?
Je me suis dit que je devais absolument la ramener vers nos contrées pour qu’elle retrouve les personnages de sa légende : fées, vierges, chevaliers et dragons…

Plus tard en recherchant dans la bibliothèque de l’Alliance j’ai appris que cette licorne faisait partie du théâtre traditionnel de marionnette birman, dont les représentations relatent l’histoire du monde et peuvent durer tout la nuit.
Le cheval blanc ailé appartient au tableau nommé Himawunta (Himalaya) – le tableau de la naissance du nouveau monde après la destruction de l’ancien.
Le cheval ailé est la première créature du nouveau monde. Elle est suivie par l’éléphant blanc, tout un tas d’animaux et un sorcier.
Ensuite viennent les hommes, c'est-à-dire le roi, sa cour et ses valets…*

J’espère que ma licorne ailée pourra revenir se poser en Birmanie pour annoncer bientôt un nouveau monde…

Ai assisté aux réglages de son pour le concert de ce soir – étonnamment les techniciens ont quand même pris le temps d’arriver à un résultat plutôt bon…

Le concours de chansons françaises est organisé sur une grande scène dans les jardins de l’alliance…500 personnes sont venues – étudiants – parents – expatriés.
Je suis bien installée avec les autres membres du jury dont l’ambassadeur de France en Birmanie, des professeurs, le directeur de l‘Alliance et son épouse…
Ambiance de Jury, pas vraiment ma tasse de thé mais il faut jouer mon rôle !
20 candidats, garçons et filles qui ont sorti le grand jeu ! C’est très dur pour moi d’être sévère et je crois que j’ai mis de très bonnes notes à tout le monde.
Je suis impressionnée par la maitrise du français des candidats. Certains, non francophones, ont mémorisé toutes les paroles en phonétique !
Il y a quelques très bons chanteurs.
Le groupe qui accompagnait les chanteurs en herbe a fait un travail extraordinaire de relevé des chansons originales, sans aucune partition. Sur scène ils sont très bons et ont rattrapé au vol plusieurs chanteurs qui glissaient sur des très mauvaises pentes…

Délibérations (houleuses ?) dans le jury et remise des prix.

On m’a dit que je devais rester vigilante en écrivant et publiant ce journal qui à mes yeux parait banal mais qui pourrait être lu et interprété par le gouvernement ou des membres de l’ambassade. Je pourrais être blacklistée et interdite dans le pays.
Plus grave, les gens ayant travaillé avec moi pourraient être inquiétés.
Que faire alors ?

C’est vrai qu’il est très facile d’oublier que le pays va mal lorsqu’on est un occidental sur place : vie facile et pas chère – sourires – accueil – de grands arbres et des fleurs magnifiques – tout le monde se plie en quatre pour vous et pour quelques dollars – l’armée est peu visible (j’ai vu un seul fusil pour l’instant).
Toutefois j’ai ce malaise en moi depuis le début du séjour que je ne parviens pas à écarter. Ni le soleil, ni les pagodes magnifiques, les tissus multicolores, la nature luxuriante, les orchidées les plus belles, ne peuvent me l’enlever.
Je n’arrive pas à être là en touriste et me contenter de l’exotisme et du dépaysement.
Les artistes ont peut être le don précieux de se mettre au diapason des endroits qu’ils traversent : les vibrations mauvaises ne me quittent que rarement, comme un oiseau de malheur qui assombrit mon séjour. Il y a tant de sujets sur lesquels se révolter.

A l’alliance française on essaye d’améliorer les choses par la culture : cours de français, animations, concerts…un peu d’ouverture au monde, de petites gouttes d’eau dans la mer ; suffisantes pour se faire détester du gouvernement.

A l’American center on milite plus durement : cours de journalisme, d’histoire, discussions politiques…Mieux vaut ne pas avoir la carte de ce centre sur soi quand on se fait arrêter.
D’autres gouttes d’eau qui finiront peut être par payer.

La junte vient de renvoyer le représentant de l’ONU, ainsi que la croix rouge.
Aucune limite dans leurs décisions : la diplomatie, les relations internationales sont le dernier de leurs soucis – il n’y a rien qui ne se fasse pas…les pleins pouvoirs.

Je regarde les jeunes qui viennent prendre des cours à l’Alliance, ou ceux qui participent au concours de la chanson – ils sont comme n’importe quel jeune du reste du monde.
Ils discutent autour d’un thé » et d’un sandwich, portent des jeans et des tee shirt, ont surement des rêves et des amours plein la tête.
C’est la jeunesse dorée d’ici.
Ils sont nés en Birmanie et n’ont connu que ce régime.
Combien pourront voyager librement, être libres de leurs faits et gestes, libres de leurs paroles ? Connaitront-ils une presse sans censure ? Quel aurait été leur destin s’ils étaient nés ailleurs ?
Ont-ils envie de voir changer les choses ?
Qu’est ce qui les différencie de moi ?

Après le concours, moi et les concurrents venus de Mandalay, leur professeur de français, les musiciens – qui logent tous à mon hôtel – nous mettons en quête d’un restaurant – couvre feu officiel oblige, tout ferme à 23h et nous tentons de prendre des taxis pour diner dans le quartier chinois qui fait exception à la règle.

Les taxis tentent de nous faire monter à 8 par voiture….

Dîner sur des minuscules chaises en plastique sur le trottoir. Les filles de Mandalay boudent un peu leur bol de nouilles chinoises.
Des odeurs montent de partout : cuisines, petite gargote de brochettes et de tripes installée sur le trottoir du restaurant, ordures, diesel des pots d’échappement.

J’ai beaucoup discuté avec *** qui m’en apprend plus sur le regard porté sur les étrangers ici – il faut dire que nous n’envoyons pas toujours les plus dignes représentants du monde occidental : le tourisme sexuel reste un cliché ci et choque les habitants. )
Elle souffre d’être toujours considérée comme une étrangère, même avec un mari birman et des enfants nés dans le pays.
Les birmans lui parlent toujours avec une certaine réserve, en mettant de la distance entre elle et eux. Elle n’a pas réussi à nouer une relation vraie d’amitié, toujours cette barrière invisible qui apparait.

Elle me dit aussi que les birmans revenant de l’étranger, de France par exemple – n’en ont pas forcement un bon souvenir.
En réalité, beaucoup sont plutôt soulagés de rentrer au pays après avoir été choqués par notre mode de vie.
Cela m’a rassurée : c’est toujours plus facile de saisir les disfonctionnements chez l’autre que chez soi.
Je comprends que certains aspects de notre mode de vie et de nos comportements puissent choquer…il y a une certaine violence dans le quotidien quand on découvre la vie à Paris.
Notre mode de consommation et notre individualisme doit aussi les interroger beaucoup.

Je suis contente de cette conversation.
Cela évite cette fâcheuse tendance que nous avons à critiquer l ‘autre et de vouloir changer le monde pour lui.
Tout ne va mas si mal si les birmans aiment vivre chez eux.

6 avril 2008

L’Alliance est déserte ce matin quand j’arrive.
Dernière répétition en solo puis avec HWM.

Je veux prendre le temps de régler finement notre son….je suis très contente des réglages que j’ai réussi à faire pour que les deux harpes puissent s’exprimer à égalité.

Beaucoup de monde au concert et une chaleur incroyable…je n’ai jamais eu aussi chaud sur une scène. Je sui en nage à la fin du spectacle mais heureuse car il y a eu vraiment beaucoup de monde, des expatriés mais aussi beaucoup de birmans.

J’ai signé plein d’autographes et discuté avec tout le monde…j’ai même eu une conversation surréaliste avec une femme birmane…en allemand !
Je suis bien heureuse de n’avoir pas tout oublié de cette langue apprise au lycée…J’aimerai, si je pouvais choisir un don ou un pouvoir, recevoir celui de parler toutes les langues…

La télévision birmane (une chaine privée) est même venue pour filmer le concert et nous interviewer

*** est vraiment la relève de la harpe traditionnelle birmane.
Il perpétue les thèmes traditionnels mais innove en amenant des variations, des accords ; il compose et propose un jeu moderne qui, m’a-t-on dit, a surprit les auditeurs locaux…

Diner au *** avec l’équipe de l’alliance, l’ambassadeur de France et l’ambassadeur d’Allemagne. Les petits plats dans les grands.

Discussions autour de l’embargo fait par l’Europe sur le bois birman. (Le teck est l’une des principales ressources du pays)…
celui-ci a pour l’instant plutôt pénalisé les habitants (des milliers de birmans au chômage technique dans le domaine de la fabrication des meubles en teck) que la junte qui continu à toucher sa dîme sur la production de bois qui maintenant part directement - et parfois sous le manteau – en Chine.

Je découvre que le directeur de l’alliance française est un féru de jeux de rôles et il est très intéressé par le festival « Elf fantasy fair » dans lequel je vais jouer dans quelques jours aux Pays Bas…Il tente d’expliquer le principe des jeux de rôle à l’ambassadeur…

Deux directeurs d’écoles de musique de Rangoun sont aussi présents au repas ; une femme et un homme qui ont chacun monté leur école.
Musique classique et variétés…il faut, je pense beaucoup de foi et de courage pour monter un tel projet dans le pays quand on connait sa situation.

7 avril 2008

Départ pour Mandalay à l’aurore.
Aéroport de Yangon, vols intérieurs.

Notre jeune compagnie, Air Bagan, possède 8 avions et …14 000 employés.
Je m’interroge sur la nationalisé des pilotes.

Check in très comique : dans un pays si policé et encadré, c’est un comble de pouvoir enregistrer ses bagages et passer touts les contrôles si rapidement…en tout 10 minutes pour récupérer les cartes d’embarquement, faire enregistrer les bagages et se rendre dans le hall…nous sommes a peine fouillé et les bagages ne sont presque pas contrôlés.

Arrivée à Mandalay vers 10h. Deux voitures nous attendent pour une longue route vers la ville.

Sur la route, des pagodes, des paysans penchés dans les champs qui donne une image tout droit sortie du moyen âge, des travaux sur la route…beaucoup de cyclomoteurs et vélos, des véhicules en tout genre. Des cabanes, des marchands d’oiseaux bariolés en plastique sur leurs vélos, des arbres gigantesques sur lesquels on a placardé des affiches, de grandes publicités, et enfin l’agitation du centre ville : concert de klaxons. foule, bruit, poussière.

Le climat de Mandalay est violent : chaud et sec.
C’est une grande ville, dont le commerce majoritairement tenue par les chinois.

On voit plus de femmes dans des tenues « traditionnelles » qu’à Yangon. Elles arborent un maquillage très typique : elles peignent leurs joues en blanc avec une pâte protectrice et décorative.

Installation au YMCA qui est aussi le centre de cours de français et de musique.
Nous jouerons sous une halle dans une chaleur étouffante.
Le concert sera très difficile : chaleur, bruits de la rue toute proche, son beaucoup moins bon que la veille…tout un ensemble qui ajouté à la fatigue me laisse un gout plus amer en descendant de scène….

Diner dans un restaurant en plein air au bord de la rivière avec l’équipe du YMCA qui m’a offert une marionnette (Mandalay est LA ville des marionnettes).

Le restaurant fait aussi karaoké : des filles, payées pour chanter, un orchestre qui reprend mollement les tubes du moment.
Des hommes attablés louchent sur les filles et achètent des guirlandes de toutes les couleurs pour récompenser leurs chanteuses préférées.
C’est assez pathétique finalement.

Le dernier soir, *** nous a avoué qu’il n’avait pas averti son gouvernement, ses supérieurs, du travail que nous avons fait ensemble – j’ai le vertige d’imaginer ce qui pourrait arriver. Il a pris un vrai risque ; les organisateurs lui ont pourtant maintes fois rappelé de prendre ses précautions avec son gouvernement.
Il attendait tellement de cette rencontre qu’il a préféré se taire plutôt que de se la voir interdire. …Tellement que je ne me sens pas à la hauteur des conséquences potentielles.
Il court le risque d’être interdit de scène pendant plusieurs mois (c’est arrivé au précédent groupe birman qui a travaillé avec des français) ou pire, de perdre son poste d’enseignant..

On me dit que le fait que le travail n’ait pas beaucoup de valeur dans le pays n’est pas si mal car cela favorise le plein emploi.
(d’où les 12 employés pour le petit déjeuner à l’hôtel, les dizaines de personnes qui sont toujours prêtes à vous rendre service au restaurant – porteuses d’ombrelle, serveurs qui vous ouvrent le chemin, porteurs dans les aéroports…)
Chacun d’entre eux travaille pour environ 1500 kt (1 dollar) par jour – parfois ils seront aussi logés et nourris, parfois non.
Les pourboires seront partagés équitablement (cela m’a rassurée car j’ai parfois donné à certains et pas à d’autres !)
On a transposé en ville un modèle économique de la campagne où chacun ramène une petite somme à la communauté dans laquelle on partage tout.
Pourquoi pas ? Mais je trouve ces salaires ridicules, même ici.

Ce modèle peut fonctionner plus ou moins tant qu’il n’existe pas sentiment lié à la propriété ou de convoitise...
C’est déjà un peu tard : on sent un vrai attrait pour les quelques dollars que les touristes peuvent laisser en pourboire et les jeunes sont attirés par les mêmes choses que partout ailleurs : vêtements, maquillage, portables, chacun aimerait posséder une belle voiture…
les panneaux publicitaires sont là, de plus en présents, avec leurs belles images occidentales, quand ce n’est pas la télévision qui donne à voir tout ce qu’il est possible d’acheter sur cette terre…
L’envie d’avoir de l’argent à soi est déjà installée et il se peut que d’ici quelques mois les habitants d’ici découvrent aussi la colère et mettent fin a ce modèle communautaire.

Nous n’envoyons pas vraiment le meilleur de l’occident dans ce pays et l’idéal qui est projeté par la télévision et la publicité est trop violent et rapide par rapport à la réalité de la vie sur place.

Pour l’instant tout change doucement ; tout va s’accélérer…bien ou mal ?

8 Avril 2008

vol Mandalay – Yangon
douane et check in.

On a essayé de me faire payer une taxe pour sortir ma harpe du pays !
J’ai bataillé ferme contre les douaniers.

Second avion à Yangon – destination Singapour – quelques heures réglementaires de retard Singapour – vol de 13h pour Paris.

9 Avril 2009

Aéroport Roissy – Charles de Gaulle

Je tiens ma licorne dans la main.
Paris ce matin est glacé. Je suis fatiguée et un peu déboussolée : tant de gens en noir, tant de colère et de personnes impolies.
J’ai porté tout seule mes bagages et trainé la harpe tant bien que mal jusqu’à la sortie.
Bienvenue à la maison...

Un matin, en me rendant à pied à l’Alliance française, je suis passée devant une luxueuse villa bordée de barbelés et de grilles devant laquelle un ours brun tournait comme un fou dans sa cage…un féroce et improbable gardien pour un propriétaire surement paranoïaque.
Pendant tout mon séjour en Birmanie, j’ai été comme cet ours brun : étrangère, pas à ma place et souvent furieuse, tournant dans ma cage invisible, voulant changer le monde et m’y résignant l’instant d’après.
J’ai aussi vécu des moments merveilleux de partage de musique et d’amitié.
J’espère ne pas oublier trop vite la foule des sentiments éprouvés ici, quand je serais revenue et à nouveau embarquée dans le train fou de ma vie…

Sites sur la Birmanie :

http://www.birmanie.net
http://www.info-birmanie.org
http://www.freeburma.org
http://www.freeburmacoalition.org